Je ne bois pas de café et ça a ruiné ma carrière
Photo : Basheer Tome/Flickr

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Une vie de bureau

Je ne bois pas de café et ça a ruiné ma carrière

Ne me jugez pas.

Cet article a été initialement publié sur Munchies US.

J’adorerais m’asseoir sur la terrasse d’un café, par une fraîche journée, et me réchauffer devant la vapeur d’un bon expresso italien. J'aime l'allure du café. Mais j’en déteste le goût. Vraiment. C’est pour cette raison que je n’en ai jamais bu une seule tasse de toute ma vie. Vous me jugez déjà, je sais.

Beaucoup de gens ne me croient pas quand je leur dis ça. Les gens qui ne boivent pas de café sont une espèce rare de nos jours, tant il fait partie intégrante de notre quotidien et de nos activités professionnelles. Jusqu'à récemment, je n’avais jamais songé au vide significatif que son absence avait créé dans ma vie. Mais en y repensant, il y a eu trois moments déterminants lors desquels j’en ai subi les conséquences.

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Le premier est survenu au tout début de ma carrière. J'avais passé des semaines à envoyer des mails, passer des appels et épuiser la liste de mes contacts, quand, finalement, j'ai reçu une notification dans ma boîte de réception, avec pour objet : « Un café ? »

Je venais de décrocher un entretien d’embauche, et j’attendais ce grand moment avec impatience. J'ai répondu au mail avec enthousiasme, sans évoquer mon dégoût du café, parce que, pourquoi le ferais-je ? Après tout, on sert plein d'autres boissons, dans un café.

« Mon dégoût du café ne me rendait pas totalement inemployable, mais il soulevait une question épineuse – celle de savoir si je pourrais prendre part à un élément important de la culture d'entreprise. »

Le jour J, j'étais aussi nerveuse qu’avant un premier rencard – mais l’enjeu était encore plus élevé, puisque cette personne avait en plus le potentiel de me verser un salaire. Je suis arrivée pleine de confiance et nous avons échangé quelques plaisanteries dans la file d’attente. Elle a commandé un moka.

J’ai opté pour une bouteille d’eau.

Le ton de l’entretien a aussitôt changé. L’ambiance qui se voulait bon enfant et conviviale est devenue hostile et glaciale. Elle m’a demandé si je ne voulais pas quelque chose d’autre ; je lui ai répondu que j’avais eu soif en venant et que, de toute façon, je n’étais pas une grosse buveuse de café. Déjà qu’il n’est pas simple de faire une première bonne impression, c’était sans compter l’odeur torréfiée du jugement silencieux qui flottait dans l’air. Elle était de toute évidence irritée de m’avoir donné rendez-vous dans un café, tout ça pour que je décide que les centaines d'options sur le menu ne sont pas à mon goût.

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« Tant mieux pour vous ! » a-t-elle lancé, mais son expression disait plutôt : « Espèce de connasse prétentieuse ». Mon dégoût du café ne me rendait pas totalement inemployable, mais il soulevait une question épineuse – celle de savoir si je pourrais prendre part à ce qu'elle percevait comme un élément important de la culture d'entreprise. Sans un amour mutuel pour les mokas, difficile de s’entendre.

La deuxième fois que j’ai bravé l'adversité anti-café, j’avais enfin décroché un emploi, et il me fallait consolider mon statut social au bureau. Ce qui est plus difficile pour les personnes qui ne boivent pas de café – du moins, d’après mon expérience. J'étais affaissée sur mon bureau, absorbée par mon écran. J’ai levé les yeux et j’ai remarqué que tout le monde avait déserté. Il n’était que 15 heures. Avions-nous notre après-midi de libre ? Mes collègues traînaient-ils ensemble sans moi ? Spoiler : ils traînaient sans moi, en effet.

« Ce n’est pas que mes collègues ne m’appréciaient pas en tant que personne ; c’est qu’ils n’avaient pas envie de boire un café avec quelqu'un qui n'en boit pas, tout comme d’autres n’ont pas envie d’aller boire des martinis avec quelqu’un qui boit du 7-Up. »

Environ 15 minutes plus tard, j’ai entendu des rires et des bruits de pas. J’ai regardé mes collègues, l’air de dire : « Hey les gars, n’oubliez pas de m'inviter la prochaine fois ». Mais ils ne m'inviteraient jamais, comme j’allais très vite le découvrir, car je n'étais pas dans leur boucle de mails « Pause-café ».

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Lorsque j'ai enfin trouvé le courage de demander à une collègue la raison pour laquelle je n'étais pas invitée à ces pauses-café, elle me l’a expliqué en des termes que je pouvais enfin comprendre : si vous voulez aller boire un verre, vous n’allez pas y aller avec une personne qui ne boit pas d’alcool. Le café est l’équivalent diurne de l’alcool, et la culture sociale qui l’entoure est semblable. Ce n’est pas que mes collègues ne m’appréciaient pas en tant que personne ; c’est qu’ils n’avaient pas envie de boire un café avec quelqu'un qui n'en boit pas, tout comme d’autres n’ont pas envie d’aller boire des martinis avec quelqu’un qui boit du 7-Up.

Je me sentais comme une outsider durant ces moments quotidiens de complicité, mais ce qui m'a vraiment blessée, ce sont les séances de brainstorming informelles dont j’ai été exclue – ce qui nous amène au troisième problème posé par le fait de ne pas boire de café : les opportunités manquées. J’ai appris à mes dépens que beaucoup de décisions importantes se prennent autour d’une tasse de café, en particulier dans une rédaction.

Un jour, en traversant le bureau, j’ai surpris une conversation (bon, j’ai peut-être un peu espionné) entre deux collègues qui finalisaient les détails d'une idée incroyable qu'ils avaient eue pour la couverture du prochain numéro ; comme vous pouvez le deviner, elle n’a pas été conçue sans caféine.

C’est à ce moment-là que j'ai décidé que je pouvais soit me forcer à aimer le goût du café, soit déménager à Los Angeles, soit faire l'effort de créer des liens par d’autres moyens. J’ai choisi de partir sur cette dernière option et de tout miser sur ma fiabilité et mon autodérision. Pour nouer des amitiés, il suffit d’avoir des intérêts communs : les amateurs de latte se retrouvent pour un café ; les poivrots du bureau ne manquent jamais l’happy hour ; les fans de téléréalité se réunissent pour regarder leur émission préférée, et ainsi de suite.

Le tout est d'avoir une faiblesse ou une habitude en commun qui vous donne une excuse pour traîner ou un sujet pour discuter.

Heureusement pour moi, je regarde Bachelor, le gentleman célibataire.