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Mais qui peut bien vouloir d'un robot sexuel masculin ?

La société Realbotix a assuré à Motherboard qu'elle lancerait ses sexbots masculins "cette année".
"NAte", l'un des RealDolls masculins dont les robots de Realbotix seront inspirés. Image : RealDoll

Peu de preuves permettent d’affirmer que les robots sexuels sont le cauchemar dystopique – ou le fantasme – que les grands titres voudraient nous faire gober. Les sexbots ne vont pas déclencher d'apocalypse sexuelle. Et ce n’est pas demain la veille que chaque foyer sera équipé d’un robot sexuel humanoïde.

Pourtant, leur progrès continuent. Lorsque la nouvelle est tombée que des robots sexuels masculins (les robots sont des objets et n'ont pas de genre, mais nous allons nous référer à eux comme le fait Realbotix) pourraient être lancés dès cette année, les boutiques en ligne ont commencé à saliver en pensant à ces robots brandissant un pénis. Mais comme pour toute innovation en matière de technologie ou de sexe, la question mérite d’être posée : à quel public ce robot s’adresse-t-il vraiment ?

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Plus tôt ce mois-ci, le patron de Realbotix, Matt McMullen, a annoncé au Daily Star Online que sa société comptait lancer une version "masculine" de son robot sexuel dans le courant de l’année 2018. Jusqu’à présent, la société n’a dévoilé qu’un sexbot féminin, "Harmony", qui devrait être commercialisé d’ici peu. Realbotix, qui est une branche de la société Abyss Creation et la société sœur de RealDoll, m'a expliqué que ses nouveaux robots ressembleraient à sa ligne actuelle de RealDolls masculines.

"Nick", une des poupées qui servira de modèle aux robots de Realbotix. Nick est un grand lecteur. Image : RealDoll

La plupart des robots sexuels disponibles pour l’instant sont des prototypes féminins, de toute évidence conçus pour des hommes hétéros (l’ouverture à Barcelone d’un "bordel spécialisé dans les poupées sexuelles" a captivé l'attention du monde pendant quelques jours l'année dernière).

Le lancement d'un robot humanoïde capable de donner du plaisir à une personne réelle serait un événement incroyable, et très en avance sur son temps s’il devait se produire cette année. Avant de m'enfoncer un peu plus dans l'avenir des sexbots, je me suis assurée que Realbotix allait bel et bien lancer son mâle de silicone en 2018.

"Oui, je peux vous confirmer que Realbotix travaille déjà sur la version masculine de ses prochains robots", affirme Guile Lindroth, porte-parole de la société, dans un mail adressé à Motherboard. Bien que la société n’ait pas encore dévoilé de date de lancement, elle a annoncé que le robot masculin serait contrôlé par une application mobile d’intelligence artificielle - quoi que ça puisse vouloir dire. À l’instar d’Harmony, ce nouveau robot sera doté de capteurs tactiles et thermiques.

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"Cela sous-entend que le sexe, pour les femmes, ne se résume qu’à une longue série de coups de reins. "

Mais les détracteurs de l’invention accusent déjà Realbotix de bluffer. "Ce robot a été créé par Matt McMullen à travers le prisme masculin", déplore Cindy Gallop, fondatrice de MakeLoveNotPorn. Elle cite McMullen dans un article : les robots peuvent se brancher et "fonctionner aussi longtemps que vous le désirez."

"'Aussi longtemps que vous le voulez' n'est pas exactement la définition féminine d’un rapport sexuel de qualité, poursuit-elle. Cela sous-entend que le sexe, pour les femmes, ne se résume qu’à une longue série de coups de reins. Ras-le-bol de ces conneries."

Une machine à limer d’apparence humaine et dotée de trous est assez simple d’utilisation pour n’importe quel individu possédant un phallus : il suffit de choisir un orifice et de prendre son pied. Mais pour les femmes, ça ne fonctionne pas. "Je suis curieuse de savoir comment ce robot va s’y prendre pour me donner un orgasme bouleversant avec sa bouche, sa langue et ses lèvres, déclare Gallop. J'aimerais simplement voir à quoi ressemblerait une approche conceptuelle et féminine de ce robot sexuel masculin."

C'est quelque chose que l’informaticienne et auteure du livre Turned On : Science of the Sex Robot, Kate Devlin, passe beaucoup de temps à étudier. "Les robots sexuels et les sex toys épousent des trajectoires divergentes – le robot sexuel, dans sa forme actuelle, découle du marché des poupées sexuelles", déclare-t-elle.

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"Ce serait plus intéressant et moins controversé si ces trajectoires pouvaient converger et donner naissance à une technologie sexuelle interactive, incarnée dans des formes abstraites plutôt qu’humaines."

À un niveau très élémentaire, il serait appréciable que d’autres types de préférences sexuelles et d’organes, au-delà de la forme féminine hypersexuelle, soit représentés, selon la blogueuse Girl on the Net (qui travaille sous pseudonyme pour protéger sa vie privée). Un robot sexuel masculin pourrait être une aubaine pour les hommes homosexuels en quête d'un compagnon humanoïde, par exemple.

"L'un des principaux problèmes auxquels nous sommes toujours confrontés est que pendant très longtemps, le "sexe" a été défini par "ce que les mecs hétéros trouvent sexy", alors qu’il existe tout un monde de désir sexuel qui ne se reflète ni dans le porno mainstream, ni dans les robots sexuels", déplore-t-elle.

D'où le "aussi longtemps que vous le voulez".

Les robots masculins représentent un pas vers une représentation plus diversifiée dans la technologie du sexe, mais pas tout à fait un pas en avant. Abdos sculptés, bras musclés, regard étrangement insipide : même si elle prétend repousser les limites de la robosexualité, la société Realbotix s'accroche aux vieux stéréotypes. Nous avons pour seuls choix un robot féminin sexy mais irréaliste et un robot masculin sexy mais irréaliste – cela ne brise pas vraiment les normes de genre et ne permet pas d’explorer l’ensemble des préférences sexuelles.

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De plus, la personnalité du robot sexuel, basée sur l'intelligence artificielle, est généralement programmée de manière hétéronormative et stéréotypée. Devlin préférerait voir la robotique sexuelle prendre des formes abstraites, non humaines, quoique toujours attirantes.

"Pour y parvenir, nous allons devoir inventer beaucoup de technologies qui n'existent pas encore"

Mais en fin de compte, tout ce beau discours sur la possibilité de baiser une intelligence artificielle dans un corps d’homme n’est que pure spéculation. Selon Kyle Machulis, développeur de télédildonique, malgré ce qu’on peut lire dans les médias, les entreprises n’en sont encore qu’aux stades de recherche et de développement - dans le meilleur des cas. Dans le pire, elles "mentent complètement."

Un robot sexuel animatronique qui réagit au toucher, communique en utilisant l'intelligence artificielle, ne vous tue pas en plein milieu du coït et ne vous arrache la bite appartient encore à un futur lointain. Les robots actuels savent à peine marcher et encore moins baiser.

"Nous sommes encore très loin d’avoir un public fidèle en matière de sex toys, c’est sans compter un secteur de marché impliquant des robots, déclare Machulis. Pour y parvenir, nous allons devoir inventer beaucoup de technologies qui n'existent pas encore et que nous devons mettre sur pied pour changer la manière dont les gens perçoivent les 'robots sexuels'."

Pour l'instant, le "robot sexuel masculin" reste un mannequin affublé d’un gode-ceinture.