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10 Questions

10 questions que vous avez toujours voulu poser à quelqu’un atteint d’un trouble de l’anxiété

« C’est comme un raz de marée qui arrive en un coup, on n’est jamais préparé à ça et on se fait submerger par une partie de nous qu’on déteste. »
fille floue
Images : Unsplash

D’après des chercheurs de l’Université Catholique de Louvain, entre 7 et 10% de la population belge souffre de trouble anxieux. Elisabeth* fait partie de ce pourcentage très réduit. Dans son quotidien, sa vie est contrôlée par ses crises d’angoisse et elle se transforme en marionnette dans un théâtre de poche. Certains penseront à de l’exagération, et c’est peut-être ce type de réactions qui est le plus difficile à supporter quand on est atteint de trouble de l’anxiété. Le temps d’un verre, la jeune femme répond à mes questions concernant sa pathologie et m’ouvre son ressenti sur le monde dans lequel elle vit quotidiennement.

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VICE : Comment t’es tu rendue compte que tu souffrais d’un trouble de l’anxiété ?
Elisabeth : Je pense que j’ai commencé à avoir des crises d’angoisse quand j’avais 14-15 ans, mais à l’époque je ne comprenais pas ce que c’était. Au bout d’un moment, ça commençait à devenir invivable et je me suis posée des questions. Prendre les transports, aller en cours, sortir de chez moi, voir des amis, tout ça devenait impossible pour moi et je commençais à m’enfermer de plus en plus. À chaque chose que je devais faire, je pensais à comment j’allais faire si j’avais une crise, surtout s’il y avait des gens autour. Quand j’entrais dans un nouvel endroit je cherchais toujours où étaient les toilettes pour être sûre d’avoir un endroit où me réfugier si j’avais un problème.

Est-ce que tu sais s’il y a une origine à cela ?
Petite, je faisais des cauchemars toutes les nuits, ça devenait insupportable pour ma mère. Quand j’ai eu 10 ans j’ai malheureusement vu ma grand-mère morte et elle n’était pas « préparée » si je peux dire. Après ça, pendant des mois, je n’arrivais pas à me retrouver toute seule dans une pièce. Je m’imaginais à chaque fois que j’allais tomber sur ma grand-mère morte et qu’elle allait me tuer.

Qu’est-ce qui provoque des crises d’angoisses chez toi ?
C’est difficile à savoir parce que ça peut arriver à tout moment, même quand rien de spécial ne se passe et que tout va bien. C’est ça le plus dur, on s’y attend pas. C’est comme un raz de marée qui arrive en un coup, on n’est jamais préparé à ça et on se fait submerger par une partie de nous qu’on déteste. Mais généralement, ça m’arrive souvent quand je suis enfermée dans des lieux publics. Alors forcément pour avoir une vie sociale, ça devient compliqué.

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Que ressens-tu quand une crise d’angoisse arrive ?
J’ai réellement l’impression que je suis en train de mourir, même si je sais que ce n’est pas vrai. Mon cœur se met à battre super fort, j’ai l’impression qu’on vient de mettre un poids de 100 kilos sur ma poitrine et que mes os sont en train de se briser. J’ai la gorge tellement serrée que j’ai l’impression que quelqu’un m’étrangle et que je n’arrive plus à respirer. J’ai la tête qui tourne, mon cerveau psychote à du 200 à l’heure, mon ventre se contracte et c’est comme si mes boyaux allaient sortir de mon corps de tous les côtés. J’ai la sensation d’avoir un milliard d’aiguilles qui me transpercent la peau, et en même temps je ne parviens plus à sentir mes membres.

Est-ce que ça se voit physiquement quand tu as une crise ?
Quand j’arrive à maitriser mes crises, c’est-à-dire la plupart du temps vu que je prends les transports régulièrement, ça ne se voit pas. Je suis calme, je ne parais pas affolée de l’extérieur, mais à l’intérieur c’est la panique complète. Et je pense que c’est pour ça que beaucoup de gens qui ne vivent pas ce genre de situations se disent que ce n’est pas si grave et que c’est du cinéma. Mais ça m’est déjà arrivé de ne plus savoir me maîtriser et de me retrouver dans une situation de merde où je me dis que les gens doivent me voir comme une folle. Ce que les autres pensent de moi et la façon dont ils me voient, ça joue beaucoup.

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As-tu l’impression que tes proches ne comprennent pas ce que tu vis au quotidien ?
J’ai parfois eu cette impression oui, et j’imagine que pour eux ça ne devait pas être facile tous les jours de vivre avec quelqu’un comme ça. Mais le plus dur c’était que les gens autour de moi ne remarquaient pas les efforts que je faisais au quotidien. Alors quand quelqu’un te fait culpabiliser parce que tu n’es pas venu à une soirée ou autre, ça fait mal. J’ai quand même des personnes géniales autour de moi qui sont au courant de mon anxiété et qui m’aident énormément.

Ton anxiété t’a-t-elle fait louper des opportunités ?
C’est là le principal problème pour moi. Le nombre de fois où j’ai annulé des plans à la dernière minute parce que je faisais une crise juste avant d’y aller. Et quand tu te remets de ta crise et que ça va mieux, tu te retrouves comme une vieille loque, épuisée, dans ta chambre et tu te dis que tu aurais dû y aller, mais c’est trop tard.

Est-ce que tu prends des médicaments pour atténuer ton mal-être ?
Je n’ai jamais pris de médicaments, mais à une époque je fumais pas mal de joints. Ça me déstressait et ça me permettait de m’évader de mes problèmes pendant un moment. Sauf qu’un jour, la weed a commencé à me faire l’effet inverse, ça augmentait mon anxiété et ça me donnait des crises. Du coup j’ai décidé d’arrêter, mais je trouve ça dommage parce que j’aimais bien la sensation que ça me donnait.

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As-tu traversé des périodes de dépression dans ta vie ?
Oui c’est sûr. J’ai eu des périodes très sombres et très difficiles. Parfois c’était directement lié à mes crises d’angoisse, et parfois pas.

À l’heure actuelle, comment essayes-tu de t’en sortir ?
Pour le moment, je fais un gros travail sur moi-même. Mon quotidien de vie a récemment changé, ce qui n’a pas été facile au début, mais maintenant je me dis que c’est pour un mieux. Ces derniers temps mes crises d’angoisse ont vachement diminué, ce qui est super parce que ça me permet de faire plus de choses, de sortir, de voir des gens, etc. Je vois une psy qui m’apprend à mieux gérer les situations de crise et avec qui je fais de l’hypnose. L’hypnose c’est un truc qui a toujours bien fonctionné sur moi, c’est un peu de la magie quand on a des phobies ou des problèmes d’anxiété ! Je sais que j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, et que mes troubles de l’anxiété de ne disparaîtront probablement jamais. Mais mon but c’est d’arriver à les gérer et de ne plus me laisser submerger par mes démons.

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