« À 13 ans, je voulais déjà faire du porno »
Photo : Ethan Miller / Getty Images North America / AFP

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« À 13 ans, je voulais déjà faire du porno »

Pour la troisième fois consécutive, le Français Greg Lansky a été couronné Réalisateur de l'année aux Oscars du X. On l'a rencontré chez lui, à Los Angeles.

Comme sorti de nulle part, il apparaît sur l’un des trottoirs déserts de Sunset Boulevard, le pas vif, l’œil qui brille, la peau tannée par le soleil de Mexico d’où il revient de vacances. Poignée de main franche, il prévient façon JCVD : « Pardonne mon français, ça fait longtemps que j’ai pas parlé. » Et pour cause, Greg Lansky, 35 ans, a débarqué à Los Angeles il y a 12 ans « avec 350 dollars » en poche, et surtout avec une passion militante pour son « art » : la pornographie.

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Un voyage qui l’a mené de Paris à Marbella, en passant par Berlin, lieu de révélation et jusqu’à LA, donc, où il est devenu le réalisateur/producteur le plus reconnu du porno américain – bref, du monde. Pilosité faciale épaisse, large carrure, Lansky pousse franchement la porte du Polo Lounge, le bar chic d’un hôtel où il a ses habitudes. Check de l’épaule au serveur qui nous place dans le fond, le spot est cosy, et Ronnie Bennett et ses copines en assurent la bande-son.

« À 13 ans, je voulais déjà être dans le business du X. J’étais fasciné par Penthouse et Playboy », pose-t-il. S’il va à l’école, c’est surtout pour soulager sa mère de l’absence d’un père « parti en prison pour raisons fiscales ». Il n’y reste pas longtemps : « J’ai eu un parcours scolaire extrêmement médiocre, j’ai même pas le bac » clame-t-il, presque fièrement. Mais il a bien d’autres cordes à son arc : « J’ai toujours su me vendre, j’ai toujours eu la tchatche ». Grâce à elle, il obtient un stage au sein de la boite de production d’une émission de téléréalité mais ca ne suffit pas pour se faire embaucher.

À Paris, dans le petit appartement qu’il partage avec sa mère, Lanksy passe le plus le plus clair de son temps à admirer ses films préférés avec sa main, jusqu’à une rencontre impromptue. « C’était en 2005 totalement par hasard, je tombe sur Mike Adriano, un ami d’enfance, qui lui aussi a toujours rêvé de faire du X. Il me dit qu’il se fait chier dans l’immobilier en Espagne et me propose alors de venir chez lui à Marbella. J’ai rien à faire, je fonce ». L’audace chauffée par l’été andalou, les deux lurons réalisent leur premier film financé par Adriano.

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« Contrairement à moi, Mike était blindé de chez blindé. Il a emprunté 20 000 dollars à sa mère et on fait le film ». Lansky entend parler d’un salon où il pourrait le vendre. Des repas sautés, une chambre louée dans un hostel miteux, Lansky arrive au salon érotique Vénus à Berlin sans le sou pour vendre Slut Diaries, le film en question. Qu’il vend à un producteur allemand pour 2500 dollars… A partager à deux. « J’avais 22 ans, je venais de gagner 1250 dollars, en quatre mois de travail. Mais tout avait changé pour moi. Pour la première fois, j’avais fait quelque chose que j’aimais. J’avais enfin trouvé ce que j’allais faire de ma vie. »

À L.A, Lansky rencontre Scott Taylot, le propriétaire de New Sensations pour lequel il commence a réaliser et produire ses premiers films. Mais il n’y trouve pas sa place : « Les mecs de l’industrie me kiffaient pas du tout. Je faisais un film par mois quand un réal américain en sortait quatre ou cinq… Et puis, je gagnais à peine 1500 dollars par mois. C’est rien dans une ville comme LA ». Clairement, Lansky aime raconter ses débuts difficiles - peut-être même qu’il en rajoute pour décupler une chute qu’il sait à son avantage.

La success story tient en trois lettres : WEB. « La vieille génération du porno ne voyait pas que le DVD allait mourir face à internet ». On est en 2007, et Lansky quitte New Sensations se lancer sur internet. L’argent coule à flot mais Lansky attend autre chose : « J’ai toujours fait ça par passion. Mais n’obtenir aucun award et n'être pas reconnu comme un vrai réalisateur, c’est rageant. »
Lorsqu’il lance ses sites, le X est un business déprimé par le piratage. Les sites de Torrent et les Tubes Sites (Pornhub ou YouPorn entre autres) ont réduit le coût d’une bonne branlette au prix d’un kleenex. Le Français tente de trouver des investisseurs, en vain. Il se lance avec son propre argent.

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En 2014, naît Blacked.com, un site pornographique interracial. Pour faire court, c’est un site sur lequel on peut voir des hommes noirs baiser des femmes blanches dans de grandes maisons.
« J’ai regardé le paysage du X, et j’ai choisi la niche où il y avait les plus mauvais produits et c’était la niche interraciale. En fait cette niche était marquée par un fond de racisme. Grosso modo le film interracial, c’était un gangster black qui sortait de prison et qui allait baiser une blanche sur un parking. En plus la qualité des vidéos était cheap. Moi, j’ai fait tout l’inverse ! »

En effet, dans ses films on peut voir des hommes noirs qui rentrent dans leur immense villa avec piscine, et qui après un échange de regards lubriques satisfont une groupie, ou la baby-sitter restée un peu tard. Lansky se réjouit d’être allé une fois de plus à contre-courant, même si ses produits ne sont pas au goût de tous. « Va sur Reddit, tu vas voir, chaque semaine je reçois des menaces de mort de suprémacistes. Les mecs disent qu’il faut me mettre une balle dans la tête parce que j’ai fait Blacked ».

Ensuite viendra Vixen (une version non interraciale de Blacked), Tushy (une version sodomie de Vixen), et Blacked Raw (une version plus brut de Blacked). Et la reconnaissance tant attendue est arrivée : Lansky a été couronné trois fois d’affilée Réalisateur de l’Année (2016, 2017, 2018) aux AVN Award, les Oscars du porno.

Mais le Français en veut toujours plus : maintenant, il rêve de voir ses films sur Netflix où iTunes, et rage contre la discrimination que subit la pornographie. « Pour trouver une maison pour les tournages, c’est très difficile. Dès que la personne apprend que c’est pour un film porno, elle refuse. Les gens veulent voir du porno, mais ne veulent pas y être associés ». Et lui, assume-t-il jusqu’au bout ? Par exemple, Lansky est-il son vrai nom ? Il sourit et lance : « Greg est mon vrai prénom… »