queering the map
Capture d'écran de Queering the Map. Photo : Thais Ramos Varela / Stocksy.

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Culture

Il existe une version belle et queer de Google Maps

Voici « Queering the Map », le premier atlas mondial et collaboratif qui répertorie les espaces LGBTQI.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Cet article a été initialement publié sur Broadly.

Ça y est, il existe une version queer de Google Maps. Les bâtiments sont roses, de petites épingles noires indiquent tous les lieux queer.

Intitulé « Queering the Map », ce projet a été lancé il y a un peu plus d'un an par un étudiant de l'Université Concordia, à Montréal. Lucas LaRochelle, 22 ans, se décrit lui-même comme un « designer multidisciplinaire travaillant sur la théorie queer, les corps queer et la technologie, ainsi que l'espace et l'architecture. » L’idée lui est venue lorsqu’il est passé, à vélo, devant un arbre qui lui était familier – l’endroit où il a rencontré son premier amour, mais aussi celui où ils ont eu des « conversations difficiles ». Il a été submergé par une vague d'émotion. Il s’est rendu compte que l'arbre était un signe marquant dans l'évolution de son identité. Pour LaRochelle, l'arbre était devenu un « espace queer ».

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« En revoyant cet arbre, j'ai commencé à réfléchir à la manière dont les espaces et l'architecture façonnent les expériences queer », explique LaRochelle. « Une fois que j'ai eu fini de tracer ces points pour moi, j'ai voulu savoir comment l’identité queer est vécue par les autres, parce que mon expérience se situe dans ma propre identité, mon propre positionnement social. Je voulais développer cela. »

Avec l'aide d'un programmeur de sa fac, LaRochelle a transformé une carte numérique en atlas collaboratif des expériences queer. Il suffit de choisir un emplacement, de cliquer dessus pour ajouter une épingle, puis de soumettre une courte description des expériences vécues à cet endroit.

En février dernier, la carte est devenue virale, et l'on compte aujourd'hui 6 500 épingles. Mais la carte a également reçu un flot de contributions non désirées : des messages homophobes et pro-Trump envoyés par une armée de trolls. LaRochelle a donc brièvement déconnecté la carte. Mais il a pu la remettre rapidement en ligne : une équipe de bénévoles se charge désormais de la modération.

Capture d’écran de la carte.

En plus des risques de trolling et des informations confidentielles comme les noms complets des collaborateurs, LaRochelle fait très attention à ne pas éditer les interprétations de l’identité « queer » qui pourraient différer des siennes.

Alors que des espaces de rassemblement historiques et cruciaux pour les LGBT ont été mis en place à travers le pays au cours de la dernière décennie, Queering the Map offre une nouvelle façon de les commémorer. La carte rappelle aussi que, pour beaucoup, l’identité « queer » est liée à des repères géographiques, même s'il ne s'agit pas d’un bar avec un drapeau arc-en-ciel suspendu au-dessus de la porte. Et puis, à une époque où les données personnelles sont commercialisées et où la communauté LGBTQ est devenue la cible des annonceurs dans un climat politiquement tendu, Queering the Map imprègne nos histoires personnelles d’une nouvelle intimité en assurant l'anonymat.

En parcourant mon ancien quartier à Oakland, en Californie, je vois une épingle au bout du lotissement où j'ai vécu. À une intersection comportant un terrain vague, un bâtiment résidentiel et quelques duplex délabrés, se trouve le message suivant : « C’est ici que je suis tombé amoureux de toi. De tes mains, de tes cheveux, de ton sourire et de l'éclat dans tes yeux. »

Il y a une autre épingle à quelques pâtés de maisons. Elle est située devant un entrepôt qui accueillait autrefois des soirées queer auxquelles j’allais souvent : « J’ai passé l'une des nuits les plus mémorables de ma vie. On ne s’est même pas embrassés, mais on est allés au resto juste après. J'étais si heureux d'être avec toi, de danser avec toi. Je ne sais pas si de ton côté, c’était de l'amour, mais du mien, ç’en était et ça en sera toujours… »

Je repense à mes anciens voisins et aux nombreuses personnes avec qui j'ai partagé cette piste de danse, et je me rends compte que toutes nos cartes personnelles queer se chevauchent pour former un réseau complexe qui s'étend à la fois dans l'espace et dans le temps.

« Ce qui m’excite le plus dans ce projet, c’est son aspect relationnel », explique LaRochelle. « C’est un projet qui porte sur la communauté. Je pense que c'est l'intention sous-jacente : une sorte de moyen de se réengager dans la collectivité et de prendre soin des autres.»