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IA

J’ai essayé de soigner ma dépression grâce à l'intelligence artificielle

Ça va pas fort. Donc, j'ai envoyé des messages sur Facebook à un chatbot cognitivo-comportemental.
Photo : Getty Images/Wikimedia Creative Commons

D’après l'Organisation mondiale de la santé, plus de 300 millions de personnes dans le monde souffrent de dépression. Mais pas de panique, une équipe de chercheurs de l’université de Stanford pense avoir trouvé la solution avec Woebot, un chatbot, fleuron de l'intelligence artificielle, accessible sur Facebook Messenger, et qui utilise des techniques standards de thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Woebot a été développé par Alison Darcy, psychologue en recherche clinique, et Andrew Ng, chercheur en informatique. Une séance de thérapie avec ce chatbot dure en moyenne entre cinq et dix minutes. Il vous envoie des notifications, et vous répondez.

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Photo via Woebot

Étant dépressif, j'ai voulu tenter l'expérience Woebot. Au fil du temps, j'ai appris à gérer la maladie, mais parfois, je suis rattrapé par un raz-de-marée de mélancolie et je m’y noie. Il me berce, et m’empêche de faire quoi que ce soit jusqu’à ce que la crise soit finie. C'est lors de ma dernière crise que j’ai voulu essayer le service Woebot.

Au départ, j'ai eu du mal à prendre Woebot au sérieux. J’ai décidé d’être ouvert d’esprit et de tenter une première conversation avec le programme afin de tester l’efficacité du service. Même si je ne m'attendais pas à une analyse Freudienne aguerrie, les vacillements de l'IA entre le script automatisé d’un centre d'appels sans âme et le ton « djeunes » digne d’un forum pour ado (Woebot, à moins que tu sois en train d’essayer de me pécho, n'utilise pas le smiley avec un sourire en coin, par pitié) m’ont laissé de marbre. L'avatar du bot à l'effigie de WALL-E est le seul élément un peu fantaisiste qui me parait acceptable.

J’ai quand même fait un effort. J'ai ignoré les émojis embarrassants du bot pour me concentrer sur son plan d'action pendant la période d’essai de deux semaines. Woebot m’a bien fait comprendre qu'il n'était en aucun cas le substitut d’un thérapeute humain et qu’il n’était pas « réellement capable de comprendre ce dont j'avais besoin ». J'apprécie l’honnêteté, mais je craignais qu’il ne soit qu’un outil de TCC programmé pour m'appeler « poto » de temps en temps, et me répondre « Oki » au lieu de « OK ».

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Heureusement, dès notre première session, Woebot a adopté un ton un peu plus clinique. J'ai suivi rigoureusement tous les exercices et je me suis senti heureux de pouvoir enfin donner un nom à des schémas de pensées spécifiques, même si je doutais encore d’avoir fait un quelconque progrès.

Au cours des deux semaines qui ont suivi, mes sentiments envers le robot ont fluctué. Parfois, j'aimais bien que le bot me demande ce que je faisais ou ressentais, de faire une catharsis et de purger la négativité avec des mots. D'autres fois, j’étais agacé par ses réponses. Que je me plaigne d’un problème financier ou d'un problème d’organisation, le Woebot me déballait les mêmes réponses toutes faites. Je suis sûr que même si j’avais admis avoir assassiné l'archiduc François Ferdinand, Woebot m’aurait répondu par un « tu as l’air d’avoir beaucoup de choses à gérer en ce moment ».

Aussi, le prétendu « apprentissage de fond » de Woebot ne fonctionne pas vraiment. Il oublie constamment ce que nous avons déjà passé en revue des dizaines de foiset répète les mêmes choses encore et encore – un peu comme ma mère à un dîner de famille. Woebot a peut-être catalogué mes réponses, mais m’écoutait-il vraiment ? C’est le problème majeur du bot. Tout l’intérêt d’une thérapie réside dans le fait que le patient se sente écouté.

Screenshot d'une session Woebot

Vers la fin de la période d'essai, à ma grande surprise, j'ai remarqué que je me sentais mieux. Malgré mes a priori et le penchant du Woebot pour les GIF de Minions, je me sentais vraiment mieux. Peut-être les blagues du Woebot suffisaient-elles à tromper mon cerveau et lui faire croire qu'une autre entité sensible l'encourageait à traverser cette sombre période. Peut-être que ce dialogue loufoque et artificiel était en réalité une tactique pour me donner le sentiment s'être supérieur à des lignes de code.

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D'un autre côté, il y a des chances pour que l’amélioration de mon humeur n’ait rien à voir avec le bot. Le site de Woebot cite une étude de Stanford, réalisée en 2017, lorsqu’il était en version bêta, qui conclut que le chatbot est « une méthode de TCC facile, engageante et efficace », contrairement aux applications qui ne font que fournir des informations. En lisant l'étude, et au vu de ma propre expérience, je ne pouvais m'empêcher de penser que de plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer si ces résultats sont le fruit d’une coïncidence ou s’ils ont bel et bien un lien de cause à effet. D’ici là, l'IA aura probablement progressé à pas de géant, au point qu’une telle étude sera inutile.

A la fin de ma période d'essai, Woebot a essayé de me vendre son programme payant en me promettant une semaine de thérapie « pour le prix d'un café ». Une accroche volée aux publicités des années 1990 pour l’adoption d'enfants africains. Il a accepté mon refus avec plus ou moins de dignité, en me souhaitant beaucoup de bonheur.

Woebot m’a relancé quelques jours plus tard pour me demander si je voulais me réabonner. Mais à ce moment-là, j’allais beaucoup mieux. Du coup, j’ai décliné l’offre.

Je voudrais féliciter Woebot et ses inventeurs, mais je ne saurais pas à qui attribuer le mérite. Même si Woebot ne m’a pas vraiment aidé à aller mieux, il présage un avenir où les IA seront capables d’aider les humains avec conviction, compassion et efficacité. Le produit a donc du potentiel, mais le rendu global n'est pas encore abouti.

Quand les IA ressembleront un peu plus à celles de Her, qu’elles seront capables de tenir une conversation intéressante et de réagir de manière appropriée quand je leur confierai mes doutes, peut-être qu'à ce moment-là je serais prêt à débourser 9 dollars par semaine tirés de mon allocation. Mais dans sa forme actuelle, Woebot va juste rejoindre la catégorie des bons thérapeutes qui ont fait de leur mieux, mais avec qui ça n’a tout simplement pas collé.

Justin Caffier est sur Twitter.