Anti-inflammatoire, antioxydant, antirhumatismal, antinausée, antiémétique, anti-psychotique, hypnotique, sédatif et anxiolytique… Depuis qu’ils ont commencé à s’intéresser au cannabidiol (CBD) au début des années soixante-dix, les scientifiques ne cessent de lui attribuer de nouvelles qualités thérapeutiques. Cette molécule extraite du cannabis, la plus étudiée après le THC, serait-elle un genre de messie pharmaceutique ?
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Difficile à dire, car la plupart des études ne sont pas assez solides et le mécanisme d’action de la molécule, toujours inconnu. Résultat : la communauté scientifique reste prudente et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) refuse de recommander le CBD pour un usage médical. Qu’importe ! Les vendeurs de CBD profitent d’un flou juridique pour écouler leur marchandise partout en Europe. À les croire, les vertus thérapeutiques du cannabidiol sont bien réelles : quelques-uns mêlent carrément feuille de cannabis et caducée sur le logo de leur boutique en ligne.Pour en avoir le cœur net, je me suis procuré auprès de deux boutiques sises à l’étranger (Irlande et Suisse) pour environ 300 euros de matériel : thé, tisane, crèmes et baumes, huile, bonbecs et sucettes, gélules – et même un inhalateur électronique… Ma mission ? Offrir mon corps à la science et voir si, comme promis, le CBD viendrai à bout de mes insomnies, de mon stress éternel, de ma peau sèche et de mes courbatures. Récit d’une semaine sous cannabidiol.
Jour 1
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Jour 2
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Jour 3
Jour 4
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En m’engouffrant dans le frigo comme un poltergeist, je réalise que mon appétit a changé depuis le deuxième jour : pris d’envies brusques et irrépressibles, je mange n’importe quoi, à n’importe quelle heure. Au mépris de la diététique et du bon goût, j’avale une boîte de thon, 350 grammes de riz et toute une bouteille de jus d’orange - à 15 h 30. À peine rassasié, je me dis que je pourrais passer mes journées à manger, faire du sport et m’administrer du CBD. Je deviendrais un monstre.
Jour 5
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En avalant ma cinquième pilule au CBD-zéolithe, le cœur plein de seum, je m’interroge sur la taille du marché du cannabidiol. Certaines études parlent de 2,2 milliards pour les seuls États-Unis d’ici à 2020. Après tout, a-t-on jamais vu produit qui parle autant aux naturopathes qu’aux adulescents ?Sous prétexte d’ingérer du CBD, j’ai passé les six derniers jours à manger des sucreries toutes les deux heures. Je suis écœuré, mais toujours incapable de décrire leur goût. Herbeuses et piquantes, les sucettes ne ressemblent à rien de ce que je connais. Passé un enrobage amer, les oursons ont un goût d’ourson. Les bonbons durs sont comme du sucre légèrement imprégné de menthe.La liste d’ingrédients de ces sucreries est souvent troublante. Certaines semblent complètes, d’autres sont tout simplement absentes ou bizarrement élusives. Comment faire confiance à un : « Sucre, eau, glucose, arôme et CBD » ? Même ambiance du côté du vaporisateur de CBD prêt-à-l’emploi. Les ingrédients de son « e-liquide » ambré apparaissent sur le site qui le distribue mais pas sur l’emballage.S’il fallait une preuve que l’industrie du CBD est encore libre de faire à peu près ce qui lui chante, elle dans ces listes d’ingrédients absentes. Chez les législateurs comme chez les médecins, on ne sait pas comment gérer le cannabidiol. Le ministère de la santé pense que les e-liquides au CBD « apparaî [ssent] comme lég [aux] » mais l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament a déclaré leur achat « totalement interdit ». Des contrôles doivent encore être mis en place. Reste que pour les autres produits, c’est le flou total. Ce qui n’est guère rassurant quand on sait qu’il n’existe aucun laboratoire de contrôle indépendant.