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Music

J'ai voulu voir si les sites de téléchargement de mon adolescence fonctionnaient toujours

Mais que sont donc devenus Kazaa, Limewire, Napster, Soulseek et Pirate Bay ?

Tout a commencé avec Lars Ulrich. Avant que le batteur de Metallica ne poursuive Napster en justice en 2000, le téléchargement illégal n'était même pas illégal, personne ne savait vraiment ce que c'était, en fait. Après ce procès, en revanche, des centaines de musiciens, de labels et même des États tout entiers se sont mis à vouloir fermer tous ces sites sur lesquels les gens de se procuraient gratuitement la discographie de Limp Bizkit. Il y a quelques jours, Isohunt, une plateforme de piratage qui n'hébergeait même pas de mp3 mais faisait juste suivre des liens vers d'autres sites, s'est vu sommée de verser 45 millions d'euros à une entreprise baptisée « Music Canada ». Aujourd'hui, les condamnations pour piratage en ligne se veulent exemplaires et, dans les cas les plus extrêmes, vous risquez rien de moins que 10 ans derrière les barreaux.

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Bien sûr, quand Napster est arrivé, les choses étaient différentes : les Fnac et Virgin Megastores demandaient la somme excessive de 150 francs (20 euros) pour un album, et bien plus encore pour un film ou un coffret. L'industrie du divertissement traitait le public au pire avec mépris, au mieux avec indifférence, et les gens le ressentaient. Donc quand un site leur a offert la possibilité de télécharger gratuitement des térabytes de musique, ils ne se sont pas privés, loin de là - ça faisait bien trop longtemps qu'on la leur faisait à l'envers. S'il vous faut une comparaison, imaginez un instant qu'une ligne de TGV soit construite en paralèlle des réseaux SNCF déjà en place, et que cette ligne soit purement gratuite. Imaginez ensuite que la SNCF, après des décennies à vous entuber voyage après voyage, entame une campagne à grand renfort de « oui, on sait que vous pouvez désormais prendre le train gratuitement, mais la décence et la morale voudraient que vous continuiez à nous soutenir ». Vous seriez, comme tout le monde, ravis de les envoyer chier et de les regarder couler.

Même si elle a pris son temps, l'industrie musicale a fini par remédier à ce problème, en réprimandant les consommateurs, puis en proposant des sites de téléchargement légaux et des services de streaming, tout en menant en parallèle une lutte acharnée contre les sites qui ont fait fondre son capital au fil des ans et en les faisant fermer un à un.

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Cette tactique s'est avérée plutôt payante au final et aujourd'hui, pas mal de gens, moi inclus, sont plus que contents d'éplucher les imposants catalogues de YouTube et Spotify plutôt que de mettre en danger leur ordinateur avec des fichiers et des logiciels douteux. Ce qui ne m'empêche pas de régulièrement me demander ce que sont devenus tous ces vieux sites de piratage, s'ils existent encore dans une sorte de cimetière d'Internet ou s'ils ont complètement disparu.

La nostalgie ayant eu raison de moi la semaine dernière, j'ai décidé d'essayer de télécharger gratuitement « The Sound of Silence » de Simon & Garfunkel sur chaque site que je fréquentais dans ma prime jeuensse, afin de voir s'ils avaient évolué depuis mon absence.

J'ai commencé, en toute logique, par ceux qui ont tout lancé, Napster :

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Voilà ce que vous trouverez sur la homepage de Napster en 2016, un design générique qui ressemble à celui de n'importe quel site de streaming, type Apple Music ou Spotify. Apparemment, après des années à se faire poursuivre par des avocats, Napster a décidé de fermer complètement sa plateforme initiale. Mais après avoir été racheté par le géant américain de l'électronique Best Buy, et être passé par la case Rhapsody (concurrent direct du iTunes store), Napster s'est repositionné en tant que service de streaming payant (autrement dit : ils ont vendu leur cul à ce putain de système, mec). Ce n'est donc pas là que je pourrais trouver un mp3 gratuit de ma ballade folk préférée.

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J'ai ensuite tenté de me logger sur Pirate Bay, qui m'a juste donné une liste d'autres sites :

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J'ai cliqué sur les liens qui me semblaient les plus sexy, comme 'fastpiratebay.co.uk' par exemple ou le plus officiel 'thepiratebay.uk.net' mais à chaque fois, mon navigateur m'indiquait le même message : « la page que vous demandez n'est pas accessible ». La maison mère en Suède, après de nombreux raids dans leur bureaux, de multiples poursuites et arrestations, a été bloqué dans tout un tas de pays et bannie de Facebook (à ce sujet, attention : le simple fait de mentionner Pirate Bay dans une conversation ou sur votre mur peut vous valoir quelques ennuis). Ok, je pourrais aisément contourner tous ces proxys en utilisant TOR ou n'importe quel navigateur du deep web mais bordel, je ne suis pas Jonny Lee Miller dans Hackers, je veux juste un putain de m3 de Simon & Garfunkel.

Quand j'étais ado, le plus gros bad boy du downloading game, c'était Limewire. Oui, c'était infesté de virus et horriblement lent, mais c'était le plus maniable d'entre tous. Imaginez-donc mon désarroi quand j'ai voulu me rendre sur www.limewire.com et que je me suis mangé un nouveau « la page que vous demandez n'est pas accessible ». J'ai cependant jeté un oeil à leurs offres de téléchargement avant de me souvenir quelle galère c'était quand vous chopiez un cheval de Troie avec votre album tant espéré.

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Après quelques recherches, je me suis rendu compte que, à l'instar de ses concurrents, Limewire avait été fermé en 2010 après un passage au tribunal, et qu'il n'existait aucune nouvelle version disponible. Wikipédia vous expliquera que non seulement les anciennes versions fonctionnent mal ou pas du tout, mais qu'elles contiennent dix fois plus de virus qu'auparavant - libre à vous d'essayer, perso je tenais à finir cet article avant de sacrifier mon ordinateur.

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Du coup, je me suis tourné vers Kazaa, la version DIY de Limewire.

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Ok, fait chier.

Finalement, il nous reste quoi ? Il nous reste ce bon vieux Soulseek, son infame logo et son interface digne des pires cauchemars anti-tech. Soulseek, le plus compliqué de tous les sites de peer 2 peer. C'était le site de téléchargement illégal que chaque grand-frère utilisait. C'est sans doute pour ça que personne n'a jamais vraiment pris la peine de le supprimer d'Internet et que de tous ces vestiges du web bricolo, c'est un des seuls qui soit toujours opérationnel.

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J'ai pu télécharger gratuitement le programme. Au moment de l'ouvrir, mon pare-feu est un peu parti en cacahètes mais je n'allais pas faire marche-arrière, pas à ce stade. Une fois le logiciel installé, j'ai lancé ma recherche espérant dégoter une version décente de cet hymne de 1964, et je n'ai franchement pas été déçu : aucun des résultats n'était inférieur à 160 kbps.

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Et rien à voir avec l'ère du bas-débit, pas besoin d'aller se faire un thé en attendant que ça charg. En 30 secondes le morceau était là, sur mon bureau :

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Enfin, après trois heures à me faire jeter de divers sites de piratage, Soulseek, la plateforme des grand-frères, a pu me dépanner et me faire profiter à volonté de l'insondable mélancolie de « The Sound of Silence ». Que les ayant-droits du morceau se rassurent : j'ai depuis effacé le mp3 de mon ordinateur et je l'écoute maintenant sur YouTube quand j'en ai envie. J'espère que vous recevez bien vos 0,0003 centimes à chaque click. Qu'est-ce que cette expérience nous a appris, au final ? Que l'industrie musicale a tellement bien fait son boulot en radiant tous les sites pirates de la toile et en rendant l'offre de streaming si complète et accessible qu'elle n'a même pas eu besoin de s'occuper des rares survivants. Qui aurait envie de gaspiller trois heures de sa journée à vérifier qu'ils fonctionnent encore ? À part moi, je veux dire ?

Tom Usher est sur Twitter.