Je me suis envoyé le menu complet dans un restaurant d’abats

FYI.

This story is over 5 years old.

Food

Je me suis envoyé le menu complet dans un restaurant d’abats

Combien d’organes suis-je capable d’engloutir sans vomir ? Bienvenue chez Viva M’boma, temple carnivore à Bruxelles.
LB
Brussels, BE
LB
Brussels, BE

Être conscient de ce que l’on mange, c’est la grande tendance du moment. Le végétarisme n’est d’ailleurs plus considéré comme marginal, au contraire. Cela dit, pour la viandarde aguerrie que je suis, il est encore impossible de sauter le pas. Loin de moi l’envie de mettre les véganes en PLS, mais une succulente idée a germé dans ma cervelle : si l’animal est abattu pour finir en entrecôtes, pourquoi ne pas rentabiliser un maximum cet acte « barbare », et le manger TOUT entier (la cervelle, le nez, les pieds) ? On ne gaspille pas la nourriture.

Publicité

Arrivée au restaurant Viva M’Boma, j’ai l’estomac noué. Dans sa cuisine le chef Olivier Vanklemput m’attend, tout sourire. Super enthousiaste à l’idée de faire découvrir la cuisine d’antan à la jeune génération, il m’a concocté un menu sur mesure avec tout ce qu’il y a de plus trash à la carte.

La cervelle froide sauce tartare

Commentaire du chef : « Comme tu vois, le produit est là, il n’est ni caché, ni transformé. Les gens, ce qu’ils veulent, c’est de la cervelle, avec un demi lobe et un cervelet. Il faut qu’elle soit cuite, mais froide. J’admets qu’il est plus facile de commencer par goûter une cervelle chaude, mais quand elle est servie froide comme ici, on sent la vraie identité du produit. »

Si le cerveau dans mon assiette semble inerte, le mien est en état d’alerte rouge. « L’identité du produit » vient littéralement de me fondre sur la langue. Le goût n’est pas dérangeant. Ça ne goûte en fait pas grand-chose. Mais j’adhère difficilement au principe du cerveau fondant. Quelques bouffées de chaleur plus tard, mon cerveau reprend le dessus. Sur ma fourchette, j’enfile méthodiquement un petit morceau de cervelle compressé entre deux tranches de carotte. Il s’agit alors de la tremper abondement dans la sauce tartare du chef. L’expérience prend tout son sens. Cette sauce tartare, une vraie tuerie ! Je parviens à enchaîner quatre, cinq bouchées, ce dont je suis plutôt fière.

Les ris d’agneau

Commentaire du chef : « Ce qu’il y a d’intéressant avec ce genre de plat, c’est de d’abord goûter tous les produits séparément. Après avoir goûté le produit brut, tu peux alors comprendre pour quelles raisons j’ai mis une petite feuille de betterave ou une tuile de parmesan. Il y a un vrai jeu de textures dans l’assiette. »

Publicité

La cervelle froide pour commencer, c’était un peu violent. L’arrivée de cette assiette, que je qualifierais de plutôt raffinée, m’apaise une peu. J’ai l’impression de déguster un petit suprême de poulet, mais un peu plus goûtu qu’à l’ordinaire. Et la petite panure ultra crousti est excellente ! C’est vraiment bon. Ça me rappelle ma mère en opération camouflage de légumes. Son astuce à elle : les enrober de litres de béchamel.

L’os à moelle

Commentaire du chef : « C’est le fémur, le plus gros os du corps du bœuf. Personnellement, je pense que la plus belle approche de l’os à moelle, c’est sur un toast, avec juste un peu de fleur de sel et de poivre. Au resto, je varie les garnitures pour amener de la texture et amuser le palais. »

J’attaque la trilogie d’os à moelle par une petite cuillère de moelle pure avec une pincée de sel, ce que je regrette aussitôt. Le goût est bon, fort en bouche, mais la texture me révulse. En trois mots : visqueux, mouillé et gluant. Ça passe mal. Deuxième tentative. Je tartine la moelle saupoudrée de terre du sud – une poudre de tomates séchées – sur un toast. C’est beaucoup mieux.

Le Choesels

Commentaire du chef : « Voilà le Choesels, c’est un plat en sauce, grand classique de la maison. Je vais énumérer les ingrédients, sans te faire peur bien sûr. Il y de la queue de bœuf, de la poitrine d’agneaux, un rognon et un ris de veau. Puis ici, le truc tout gélatineux, c’est le pied de porc. Et pour la fin, voilà le testicule d’agneaux. Il y a aussi des petites boulettes de viande, des lardons et des champignons. Le tout est mouillé à la Gueuze et lié au pancréas. Au moment de l’envoi, je mets un petit coup de madère pour donner du peps. »

Publicité

L’envie de goûter est tellement intense… que j’oublie d’immortaliser l’assiette avant d’y plonger ma fourchette. La couleur et la texture de la sauce sont incroyables. Un délice. Au premier coup d’œil, le reste n’est quant à lui « pas très engageant ». Je goûte un peu de tout et globalement, ça me plait. Le point culminant du plat : le fameux testicule d’agneaux. On m’a toujours dit : « interdiction de mordre, obligation de sucer » . Je suis donc un rien embêtée au moment d’en croquer la première bouchée. La chose est plutôt ferme, on dirait du porc. Trempé dans la sauce, ça fonctionne bien. Très bien même. J’adhère. Le bémol du Choesels : ce « putain de pied de porc ». Excusez-moi cet excès de grossièreté, mais, j’ai trouvé ça absolument dégueulasse. Un goût extrêmement prononcé et une texture hyper gélatineuse. Mon visage se crispe de dégoût rien que d’y penser.

Le pis de vache

Commentaire du chef : « Quand la vache est abattue, elle a tendance à tomber sur sa mâchoire ou sur son pis. Quand c’est le cas, un hématome se forme. Si l’hématome est trop gros, ça devient comme un pis de Schtroumpf et c’est invendable. Ici, je travaille avec un artisan qui prend le temps de découper le pis en suivant le contour des bleus. Quand je le reçois, il a un peu la forme d’une corne de gatte, ça part dans tous les sens. C’est vraiment le cœur du pis ! Je le mets tel quel dans le bouillon pendant quatre heures, c’est une viande qui doit être surcuite pour devenir tendre. »

Publicité

Le temps d’une pause clope – bien méritée après la soupe d’abats – m’a permis de réaliser que : « oui, le pis de vache se mange vraiment ». À première vue, l’effet du pis coupé en carpaccio est difficile à gérer. C’est assez texturisé, d’ailleurs, je remercie chef Olivier de l’avoir tranché si finement. Je dirais que la tétine de vache ne se distingue pas par la puissance de son goût, c’est surtout un peu laiteux. Mais je dois dire que l’image du pis de vache jonché de petites mamelles rosées altère mon objectivité. En fait, je bade un peu.

La tête de veau en calzone

Commentaire du chef : « La tête de veau, c’est un gros bazar qui pèse entre dix et quinze kilos. On lève l’os, puis on roule la tête avec la langue et la joue. Ça forme une ballotine. Il y a un côté gélatineux, mais pas autant que celui du pied de porc. En fait, c’est le derme de la peaux qui donne cette texture. »

La gélatine de tête ne m’a pas fait aussi mal que celle du pied de porc. Dix points pour le chef et son idée de la calzone ! Bien sûr, au moment de choisir mes bouchées, j’évite agilement les petits bouts de cervelle soigneusement dispersés par le chef. En tout cas, ça goûte vraiment la pizza. Fin, la pizza viande, supplément viande, sauce viande. C’est vachement bon, mais après tout ce que j’ai déjà englouti, c’est super lourd.

Le burger à la queue de vache

Commentaire du chef : « Pour la sauce c’est comme avec le Giant, c’est super bon, mais je ne donne ma recette à personne.»

Le pain est brillant, moelleux et croustillant à la fois. Le burger est bien fourni, mais sans exagération. Je déteste avoir à démonter les étages afin de pouvoir le manger décemment. Un crime selon moi. La viande est un peu plus foncée que d’habitude, mais rien d’inquiétant. Il y a plus de mâche que dans un steak haché de base. Ça me plait. La mayonnaise maison, un régal. Tout ce que tu attends d’un burger, un vrai soulagement en cette fin de dégustation. Je jubile.

A posteriori, laisser fondre sur sa langue une petite cuillère de cervelle n’est pas plus morbide que de ronger l’os d’un poulet ou que de mastiquer le muscle d’un jeune bleu blanc belge. Loin de défendre une nouvelle idéologie de consommation, je suis simplement toujours friande de nouvelles expériences. Et puis, mon papa m’a toujours dit « ne jamais dire qu’on n’aime pas avant d’avoir goûté ». Chose faite.

Pour plus de Vice, c’est par ici.