FYI.

This story is over 5 years old.

guide

Le guide VICE pour survivre à la crise de la vingtaine

Job inutile, coïts sans saveur et angoisse existentielle : quelques conseils pour ne pas vous jeter sous le métro dès que vous finissez vos études.
Hannah Ewens
London, GB
Illustration de George Yamton

Vous êtes en vacances, regardez attentivement le menu quand vous vous retrouvez soudainement au beau milieu d'une crise existentielle abyssale. Frites ou potatoes ? Lesquelles préférez-vous ? Est-ce vraiment important au final ? Dans les deux cas, il ne s'agit que de pommes de terre qui ne vous coûteront pas plus de quatre euros. Ne faudrait-il pas mieux conserver cet argent pour autre chose ? Que faire si vous êtes trop enjouée à l'idée de ne jamais avoir d'enfant ? De toute façon, vous avez 26 ans, votre seuil de fertilité est déjà passé, n'est-ce pas ? Votre vie n'est qu'un graphique linéaire et il n'est pas beau à voir. Vous devrez sans doute penser à l'adoption. Mais que faire si vous n'aimez pas vraiment les enfants ? Qui êtes-vous, au fond ? Ne perdez-vous pas votre temps devant des séries HBO ? Allez-vous quitter votre mec et passer les quatre prochaines années à coucher avec n'importe qui ?

Publicité

Au final, vous dites à votre copain que vous prendrez les frites classiques. Elles seront molles et froides.

Premier jour de travail depuis votre retour de vacances. Un sentiment bizarre vous envahit. Ce sentiment étrange n'est rien qu'une irrésistible envie de ne rien foutre, tout simplement. Louis, votre collègue nouvellement marié, vous demande comment se sont passées vos vacances. Vous lui répondez que tout s'est bien passé. Léo vous demande la même chose. « C'était génial », dîtes-vous. Vous vous souvenez avec nostalgie de cette époque pas si lointaine où vous n'aviez aucun impératif de productivité, de publication d'articles. Un monde où vous n'aviez pas l'impression d'être le simple rouage d'une machine qui ne tourne que pour enrichir ceux qui le sont déjà. Alors vous allez aux toilettes et entamez une recherche Google pour savoir comment devenir professeure d'histoire-géographie.

En proie au doute cartésien, enfermée dans votre job et votre couple, vous n'êtes qu'un membre de plus de la génération désenchantée. C'est sûr, vous faites votre crise de la vingtaine.

Le docteur Oliver Robinson a été victime d'une telle crise à l'âge de 24 ans. C'est ce qui l'a poussé à laisser une grande partie de sa vie derrière lui et à commencer une carrière universitaire dans la recherche. Son premier objet d'études ? Le phénomène de la crise de la vingtaine, évidemment. « Faire une crise lorsque l'on a 25 ans est une arme à double tranchant, m'a-t-il dit au téléphone. C'est une période instable et stressante mais c'est aussi un moment dans votre vie où tout peut aller très vite, un tournant majeur. »

Publicité

Ces crises semblent n'avoir jamais été aussi fréquentes qu'aujourd'hui, sans doute parce que les jeunes ne croient plus en une quelconque idéologie, ou grande idée directrice – genre, la religion, la famille, la patrie. Tout a changé. Tout ce que les autres faisaient à vingt ans nous le faisons désormais à trente, ou nous refusons de la faire : nous marier, avoir des enfants, accepter sans broncher un CDI avilissant. « La bonne nouvelle, c'est que ça laisse aux gens l'opportunité de s'amuser pendant un temps avant de s'enfermer dans une routine, poursuite M. Robinson. D'un autre côté, les jeunes sont davantage disposés à être victime d'une crise au milieu de leur vingtaine car ils sont beaucoup plus soumis à l'instabilité et au stress que leurs aînés. »

Selon lui, il existe deux crises typiques de la vingtaine. « Certains jeunes pensent que malgré tous leurs efforts, ils ne seront jamais capables d'intégrer la société des adultes, explique-t-il. De l'autre côté, on trouve d'autres jeunes qui refusent de poursuivre ce qu'ils ont entamé quelques années auparavant et qui prennent donc des décisions importantes quant à leur avenir. Le processus peut être long et douloureux. »

Pour ceux qui refusent encore de succomber aux joies de la méditation transcendantale, du retour à la religion ou de l'acceptation résignée, voici une liste très subjective de choses à faire afin de surmonter cette crise.

Publicité

Des jeunes sur des scooters. Photo de Chris Bethell

Admettez l'absurdité de votre crise existentielle

D'après Karin Peeters, psychologue, la crise de la vingtaine se manifeste au cours d'une période prolongée de stress. « Certaines personnes se bloquent et n'arrivent pas à prendre la moindre décision, m'a-t-elle confié. D'autres s'enfuient, par exemple en quittant leur job, leur conjoint ou leur ville. Enfin, il y a ceux qui se battent, qui bossent comme des tarés ou qui vont tout le temps faire du sport. Qui veulent changer, d'une manière ou d'une autre. »

Admettre l'absurdité de votre crise est donc essentiel. En ce qui me concerne, je réagis aux problèmes de la vie de deux manières : a) la paralysie pure et simple, celle qui me rend incapable de savoir ce que je vais manger à midi, b) la fuite à toute vitesse, de façon tout à fait irrationnelle. Ce n'est nullement recommandable, mais c'est comme ça. Mieux vaut être conscient de ses processus de prises de décisions.

Modifiez votre approche du temps

Analysons un peu ce vieux cliché, dilemme typique du jeune de 25 ans. « Dois-je vraiment continuer ce job médiocre alors que je veux voyager et que je suis plus proche de la mort que d'un voyage au cœur de l'Amérique Centrale ? »

Votre angoisse permanente est renforcée par votre relation au temps, qui n'a rien à voir avec celle de vos parents. L'accélération semble toucher toutes les sphères de la société, ce qui ne manque pas d'engendrer l'aliénation d'un grand nombre individus incapables de s'y adapter. Lisez Harmut Rosa, vous en apprendrez beaucoup sur cette notion.

Publicité

Sinon, arrêtez immédiatement de vous inquiéter à propos de ce voyage de trois mois en Thaïlande. Bien évidemment, à force de tout reporter, vous ne ferez rien de votre vie. Mais ce n'est pas pour ça que vous devez être constamment tourmenté par le dilemme susmentionné.

Bonus : adaptez cette démarche beaucoup moins névrosée à tous les aspects de votre vie.

Ne considérez pas le mariage comme le but à atteindre dès les premières années de votre vie d'adulte

« Je pense qu'il ne faut pas voir le mariage comme la pierre angulaire de notre vie adulte », m'a affirmé Bertie Brandes, journaliste âgée d'une trentaine d'années. « Nous devons bien comprendre que chaque année de notre vie est précieuse. On se met une pression tout seul. Certains de mes amis plus âgés sont toujours célibataires et le vivent très bien. » Si le mariage fait tout de même partie de vos objectifs, prenez note de ce conseil généreusement délivré par un ancien collègue : il n'y a aucun problème à ne pas être marié à 40 ans. Vous serez toujours attirant(e) et là pour ramasser les premiers divorcés.

Retourner à l'Université n'est pas forcément une bonne idée

Si vous avez les moyens, faites-le. Si vous cherchez désespérément à vous recycler et à changer de carrière, allez-y. Mais commencer un nouveau diplôme pour vous maintenir dans l'adolescence alors que vous avez 25 piges est une très mauvaise idée, qui ne fera qu'aggraver votre situation financière. Vous n'avez aucune envie de ressembler à ce mec paumé qui passe son temps à la fac pour choper des meufs ayant l'âge de sa fille. Comportez-vous comme un adulte : n'empruntez pas de la thune à une banque pour être diplômé d'une école de design culinaire. Ça, c'est ce que font les gros bébés qui pleurent quand Donald Trump est élu.

Ne regrettez pas vos ruptures

Difficile de savoir si votre rupture est liée à la frénésie démente de votre crise de la vingtaine ou si vous vouliez sincèrement vous séparer de ce sombre loser ou de cette conne finie. Le pire serait de réaliser deux ans plus tard qu'il s'agissait d'une terrible erreur. « Il n'y a pas d'accidents à ce niveau-là, affirme pourtant Bertie Brandes. Vous arrivez dans cette période ou vous vous rendez compte que votre copain est un trou du cul et que vous en avez assez de lui. Vous entrez dans un âge égoïste qui vous permet de vous soucier de vous-même. »

Conservez une once de vie sexuelle, même occasionnelle

C'est un argument scientifique, alors ne posez pas de questions. L'absence de sexe est souvent synonyme d'une productivité maximale mais il est fort possible que vous vous transformiez en un être aigri et si exigeant que vos relations sexuelles deviendront improbables. Vous prendrez ça comme un jeu. « Hey, ça fait déjà six mois maintenant, je peux bien attendre trois ans de plus. » Super, mec, autant se jeter sous les roues du bus de Speed quitte à avoir abandonné toute foi en la vie.

Votre chambre ne doit pas devenir un lieu sacré

« Si vous faites de votre chambre un sanctuaire étrange où l'on ne peut rien déplacer, vous ne pourrez jamais partager votre espace ou votre lit avec quelqu'un d'autre. Votre chambre n'est pas un utérus, ne l'oubliez pas. » Voilà des sages paroles, délivrées par mon amie Bertie Brandes.

Publicité

Photo de Bruno Bayley

Votre vie ne sera pas différente si vous la modifiez à la marge

Facile de penser qu'avec un job décent, vous seriez une personne totalement différente et que tout serait plus facile. Pourtant, c'est très probablement une connerie. Ça revient plus ou moins à dire que Lionel Jospin aurait pu triompher en 2002 si la France n'avait pas gagné la Coupe du Monde. Oui, c'est une comparaison hasardeuse.

Autre chose : arrêtez de vous définir par rapport à votre job.

Vous avez le droit d'être fatigué

J'ai mis 25 années à ne plus me sentir honteusement coupable lorsque je passais mes week-ends affalée dans mon lit à mater Netflix parce que j'étais crevée. Pas besoin de vous flageller si vous avez seulement besoin de repos. Le seul conseil qu'on pourrait vous donner : marchez un peu. Kant et les Péripatéticiens le faisaient constamment et ça a plutôt bien fonctionné pour eux.

Notre société actuelle nous pousse à toujours être « actif », comme si le fait de passer ses journées au restaurant était le gage d'une vie vraiment vécue. C'est complètement con. Seuls Frédéric Beigbeder et les lecteurs d' À nous Paris partagent cet avis.

@hannahrosewens