Les filles de VICE parlent du porno qu’elles regardent

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Sexe

Les filles de VICE parlent du porno qu’elles regardent

Neuf contributrices nous racontent ce qu'elles font sur l'ordi lorsqu'elles sont toutes seules.

Au cours de ces dernières années, de nombreuses initiatives visant à démocratiser les films pornos à destination des femmes ont vu le jour – du site féminin lancé par le réalisateur Marc Dorcel aux catégories spécialisées de PornHub, en passant par des pseudo-romances japonaises débordant de romantisme. Si la plupart de ces films visent plus ou moins à ébranler l'idée reçue selon laquelle les femmes seraient hermétiques aux pénis turgescents filmés en plan macroscopique, les résultats restent encore plutôt mitigés.

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Selon une étude Ifop menée en 2014, 41 % des Françaises ont admis avoir déjà surfé sur un site pornographique – mais elles ne représentent que 21 % des visiteurs réguliers de PornHub –, avec une préférence évidente pour le porno lesbien. De nombreuses voix se sont élevées pour protester contre la mièvrerie des films érotico-pornographiques réservés à un public féminin. Afin d'en savoir plus sur la manière dont les Françaises consomment du porno aujourd'hui, on a demandé à neuf de nos contributrices* de nous parler de leur rapport à l'industrie du porno.

Je dois mon premier porno à la débâcle de ma première expérience sexuelle. Du haut de mes 15 ans, terrifiée à l'idée d'être inapte aux plaisirs onaniques, j'ai décidé de me procurer un DVD pédagogique orchestré par une actrice décatie, Tout savoir pour satisfaire un homme, afin de combler mes lacunes. Loin d'être excitante, cette première séance m'a passablement traumatisée – et mon jeune esprit a malencontreusement associé l'excitation masculine aux manucures outrancières et aux imprimés léopards. Il m'a fallu des années pour me risquer à mater un autre film, quand je craignais sincèrement d'être anorgasmique. Cette fois-ci, l'opération s'est avérée aussi édifiante que fructueuse. Depuis, je m'y adonne au moins une fois par semaine, avec une préférence marquée pour le porno masculin sauvage et une tendresse particulière pour les films de Sasha Grey. Ceux adressé « aux femmes » m'ont toujours laissée de marbre, tant ils sont dégoulinants des mornes attributs fantasmés du sexe faible – pudiques, délicats, esthétiques, aussi excitants qu'un préquel d'Orgueil et Préjugés. En revanche, je serais mortifiée à l'idée de regarder ça avec quelqu'un d'autre, ou même d'en parler à mon copain. Malheureusement, la page d'accueil Top Sites de mon navigateur en a décidé autrement, étalant par mégarde mes fantasmes les plus inavouables. Depuis ce jour, trop humiliée pour retourner sur YouPorn, j'ai décidé de me servir de mon imagination – et c'est devenu bien plus intéressant.
–––MICHELLE CAMARGO --

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Il m'arrive de mater du porno, mais beaucoup moins depuis que mon petit ami habite dans la même ville que moi. Généralement, j'en regarde quand je n'ai pas eu l'occasion de baiser depuis longtemps, notamment quand je suis débordée de travail et que je n'ai pas la tête à ça. Je vois ça comme un moyen de me détendre et d'évacuer la pression – c'est quand même plus marrant que de se crever à faire du jogging. Je déteste les trucs gonzo, mal filmés, avec des mecs immondes et des gamines qui simulent affreusement mal. Je ne regarde que des films de qualité au minimum moyenne. J'avoue un penchant pour les trucs lesbiens ou les vidéos un peu vénères à la Kink, ainsi que les films en HD un peu trop romantiques et girly mais dont les castings sont exemplaires. J'aime les belles actrices pas vulgaires et les mecs avec des gueules de minets, mais pas maigrichons. Bizarrement, je me sens toujours un peu crade après, surtout si j'ai regardé plusieurs vidéos à la suite – un peu comme après avoir englouti un McDo. Dans un futur lointain, je pense que j'en regarderai avec mon mec, qui de son côté est un consommateur occasionnel. J'aime bien nous imaginer tous vieux, avec nos problèmes de sécheresse vaginale et de dysfonctionnement érectile, à chercher des vidéos sur Youporn. Aujourd'hui, ça serait un peu glauque – mais à 60 ans, moins.
–––DOROTHÉE FABBRI

Couvertures du magazine érotique français Newlook

Un été, alors que mes parents étaient partis en vacances, je suis rentrée chez moi, seule dans une grande maison vide – ambiance batte de baseball sous l'oreiller en cas d'attaque. Pour arriver à trouver le sommeil, je me suis enfilé la moitié de la cave familiale en essayant de trouver un peu de réconfort auprès d'Hélène [d'Hélène et les Garçons] sur AB1. J'ai fini par m'endormir, mais des bruits chelous de plus en plus forts ont fini par me réveiller en sursaut, alors que j'avais encore un verre de Cabernet Sauvignon à la main. À l'écran, Katsumi était en train de se faire prendre en levrette par un mec qu'elle avait apparemment rencontré en prison pendant l'une de ses nombreuses opérations de charité. En couple avec un professeur de philosophie, elle se retrouvait face à un casse-tête sentimental qu'ont déjà connu bon nombre de femmes : le bad boy ou le nerd (je sais bien que l'un n'empêche pas l'autre, mais ça reste encore relativement rare dans le porno). Je suis complètement tombée dans l'intrigue de ce film intitulé Delphine ou les plaisirs simples, et comme Katsumi, je n'ai pas réussi à choisir entre les deux acteurs. Avec le recul, le seul porno que j'aie jamais regardé, c'était une comédie romantique en un peu moins chiant.
–––LAURA SAULNIER

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C'est là que j'ai compris que pour moi, mater du porno au bureau dans un but masturbatoire était la meilleure réponse à toute forme d'ennui et à mon refus de traiter les dossiers.

Dans des circonstances qui restent assez floues dans ma mémoire, j'ai eu l'occasion de voir quelques scènes pornos quand j'étais adolescente – avec Ron Jeremy, des chattes intégralement épilées et une absence totale d'intrigue. Pour toutes ces raisons, je n'ai pas vraiment eu de relation suivie avec les films de cul. C'est plus tard que j'ai commencé à mater des pornos classiques pour me masturber dans mon bureau, à l'époque où je venais de décrocher le job le plus chiant de ma vie : assistante de direction d'une meuf qui avait relancé une marque de parfums hyper capiteux pour mémés du 16 e. La boss partait souvent en déplacement et m'assignait à rester au bureau pour gérer les « dossiers urgents ». C'est là que j'ai compris que pour moi, mater du porno dans un but masturbatoire était la meilleure réponse à toute forme d'ennui et à mon refus de traiter lesdits dossiers. Ce qui m'excitait alors, c'était de pouvoir être grillée à tout moment par les vieilles comptables qui travaillaient dans le bureau adjacent et venaient souvent chercher des articles de papeterie dans le mien. J'ai eu beaucoup d'orgasmes, et certains ont duré plus longtemps qu'avec la plupart de mes partenaires, quitte à repasser en boucle la scène qui m'a fait jouir pour espérer jouir à nouveau.
Puis quand je suis tombée enceinte, mes hormones sont devenues aussi hystériques que Maïwenn dans tous ses films, et il fallait que je fasse l'amour au moins cinq fois par jour. Mais comme mon copain bossait, je passais les journées à me masturber en matant des sites X. C'est là que j'ai eu des petites périodes fétichistes, parce que je devenais un peu accro, il fallait que ça soit de plus en plus varié. J'ai eu une phase « big cocks », « big asses », « big juggs », les Blacks qui baisent des Blanches, les vieux qui baisent des jeunes, des MILFS qui baisent à peu près tout le monde, les lesbiennes… Après l'accouchement, je n'ai plus eu envie de sexe pendant longtemps. Ce n'est pas pour autant que le porno féminin m'ait attiré dans ses filets. Quand je regarde du porno, j'ai l'impression d'avoir le même comportement qu'un mec et d'être titillée par ce qui titillerait un mec. Le porno féminin, c'est juste un segment marketing de plus, un concept antiféministe, et je conchie des nanas comme Erika Lust. Pour moi, ce n'est pas différent des nanas qui revendiquent lire 50 Shades of Grey dans le métro.
–––DOMINIQUE LOUDIÈRES

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J'étais en 4e quand j'ai maté mon premier film porno sur Canal + – l'expérience n'était pas particulièrement concluante, sachant que j'étais avec ma meilleure amie de l'époque et qu'elle était hilare tout du long. Forte de mes premiers émois sexuels alimentés par Leonardo DiCaprio et Michael Vartan, je n'ai ressenti absolument aucune excitation face à au film, où se télescopaient plus ou moins toutes les caractéristiques les plus caricaturales du porno – l'acteur principal semblait tout juste sorti de prison et poussait des cris porcins trop réguliers pour être honnêtes, tandis que ses partenaires arboraient toutes des poitrines faites de divers composés inorganiques. Comme mes parents dormaient à l'étage et que j'étais terrifiée à l'idée que l'un d'eux ne descende, je n'ai tenu que 20 minutes, en zappant régulièrement sur une autre chaîne qui diffusait le film Mercredi folle journée ! – ce qui m'a malheureusement fait associer le visage creusé de Vincent Lindon à ma toute première expérience pornographique. Après mes premières relations sexuelles, j'ai commencé à mater des films régulièrement avant de réaliser que sous leur influence, j'avais fini par élever le coït au rang de performance sportive. Ça m'a freinée pendant quelque temps, notamment quand j'ai vu la scène de piscine embarrassante du film pas du tout pornographique Showgirls et réalisé que j'étais plus dans un délire Olympiades du sexe que des rapports à peu près sains. Mais depuis, je me suis réconciliée avec le genre, même si je n'en mate que deux ou trois par mois – ça peut aussi bien être du porno hétéro avec des actrices à peu près jolies et des boys next door réglo que des trucs lesbiens, quand mon copain est trop loin.
–––TAMARA VARENNES

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À l'heure de Tinder, pourquoi se tripoter sur du mauvais porno alors que, finalement, la vérité est souvent au bout du couloir ?

On pourrait me considérer comme une pucelle des films pornos, sachant que je n'en regarde que très rarement. Alors que j'avais entre 10 ou 11 ans, j'ai maté Goobye Emannuelle, un bon vieux film M6 du samedi soir, en compagnie de ma cousine. Sur le coup, ça m'a pas mal excitée. Mais on était tellement gênées qu'on continuait de regarder sans se résoudre à éteindre la TV, sans nous avouer que ça nous chauffait pour autant. Plus tard, j'ai maté de vrais films pornos – des films asiatiques avec des potes, le plus souvent. C'est assez rare que j'en mate seule, parce que j'ai toujours trouvé que ça faisait faux. Bizarrement, les seuls pornos qui m'excitent et devant lesquels je peux me masturber sont ceux entre meufs, chose étrange parce que je suis hétéro. C'est assez original et ça surprend pas mal les rares personnes à qui je confie ça. Il doit y avoir une explication à ça, mais je l'ignore encore.
–––JULIETTE ASSELIN

J'ai maté mon premier film porno à l'âge de 9 ans. À l'époque, je passais mon temps à construire des cabanes dans les bois avec ma bande de potes, composée uniquement de petits mecs armés de scies, de marteaux et de clous. Une activité aux allures d'innocence lorsque, dans la forêt, on ne voit encore qu'un terrain de jeu sauvage et pas le royaume orgiaque de la déprave dans lequel toute petite fille finira par voir le loup. Puis un jour, ça a cessé. Plutôt que d'enjamber nos bicyclettes pour nous enfoncer dans la pénombre des bois, on s'est tous réfugié dans une chambre où se trouvait un petit écran recouvert d'une vieille couette collante. J'ai vite compris l'utilité de cette couverture collante, laquelle servait à recouvrir les slips – bientôt collants eux aussi –, de mes petits copains autrefois si mignons. J'ai d'abord ri, un peu gênée. C'est devenu une espèce de rituel chez ces mecs que ça éclatait de voir des nanas ultra-souples se faire prendre par tous les trous, plutôt que de creuser les leurs dans des planches de bois cassantes. Ça a fini par m'exciter aussi, mais je préférais faire ça toute seule, avec des films M6 où les intrigues et les dialogues sont quand même bien plus construits. Je pense que j'ai cartonné en masturbation de mes 10 à mes 15 ans, voguant de l'érotico-chianti-missionaire aux bukkakes interraciaux. Bizarrement, quand j'ai été en âge de penser mes propres scénars, je n'en ai plus vraiment ressenti le besoin. Il m'arrive aujourd'hui encore de retomber en enfance lors de mes périodes de disette, mais bon à l'heure de Tinder, pourquoi se tripoter sur du mauvais porno alors que, finalement, la vérité est souvent au bout du couloir ?
–––GIUSEPPINA CHEVIGNY --

Les films érotiques ne sont absolument pas faits pour moi. Je n'arrive pas à faire abstraction des mises en scène et encore moins de l'attente jusqu'au moment fatidique censé éveiller une excitation suprême en moi. Mais les films pornos, c'est différent. Afin d'assouvir mon voyeurisme assumé, j'aime pouvoir choisir ce que je veux. Je suis restée avec mon ex pendant six ans, mais je n'ai jamais réussi à en regarder avec lui – ça reste un truc très personnel pour moi et je n'aime pas du tout les pornos hétéros. À 17 ans, j'allais souvent sur YouPorn, histoire de dénicher les trucs les plus dégueulasses que je pouvais trouver, mais je n'ai vraiment pas fait la maline en découvrant les femmes fontaines. Depuis peu, je me suis tournée vers le porno lesbien, pour le côté sensuel et les rapports beaucoup moins bestiaux, avec une préférence pour les films européens ou américains. Encore aujourd'hui, je serai trop gênée à l'idée de les regarder accompagnée. Je les mate dans un but purement masturbatoire et ça reste relativement peu fréquent – disons qu'en un mois, j'en mate entre cinq et six.
–––SYLVIE HECQUET --

Je ne suis pas une adepte de films pornos ou érotiques. Ça n'a jamais été quelque chose qui m'a particulièrement excitée ou même inspirée. C'est d'ailleurs pour cette raison que je n'ai eu qu'une seule et brève expérience quand j'étais en seconde. Après une quelconque soirée lycéenne arrosée à la Despé et à la Manzana, je suis rentrée chez moi aux alentours de minuit. J'ai dévalisé le frigo de mes parents avant de m'affaler confortablement devant la télévision et mater ce qui passait à la télé. Après une rétrospective des épisodes de Room Raiders et Pimp My Ride sur MTV, je suis tombée par hasard sur un porno. Intriguée, j'ai regardé avec attention plusieurs minutes afin de comprendre le scénario qui se cachait derrière ces gigantesques seins et phallus. Je dois avouer que ces images n'ont suscité aucune forme d'excitation chez moi, mais je tiens quand même à saluer les prouesses physiques des acteurs qui m'ont impressionnée.
–––CONSTANCE DORIVAL

*Tous les noms ont été changés.